Photo : Peter H
Dans le discours ambiant sur le développement durable, il est fréquent d’entendre dire, un peu comme une maxime, que le bâtiment le moins impactant sur l’environnement est celui qui n’est pas construit. Ceci est un point de départ intéressant.
Il conduit donc avant tout à s’interroger à chaque fois, sur la réelle nécessité de construire à nouveau. On peut, autant que possible, envisager l’évolution urbaine à travers le prisme du «recyclage urbain» : Partager des bâtiments existants pour une mutualisation des fonctions et des programmes, ou reconvertir des édifices ayant perdu leurs usages antérieurs, quitte à les adapter ou les agrandir astucieusement pour de nouvelles fonctions.
Réemployer, réutiliser
Par ailleurs, on commence de nos jours à considérer une construction existante obsolète non plus comme une montagne de déchets mais comme un gisement potentiel de matériaux et de composants à des fins de réutilisation ou de réemploi. Ces notions sont déjà largement expérimentées de nos jours et font, en France, l’objet de programmes de consolidation de véritables filières. Mais la déconstruction est encore laborieuse et énergivore.
Déconstruction sélective
Il est donc souhaitable que la déconstruction des bâtiments ou aménagements devenus obsolètes soit suffisamment aisée pour, d’une part, ne pas détériorer l’intégrité du gisement et, d’autre part, ne pas mettre de frein d’ordre économique aux velléités de réemploi en raison de la nécessité de moyens techniques de déconstruction dispendieux.
Éco-conception
La conception d’édifices démontables pouvant être déconstruits facilement prend alors tout son sens.
Il s’agirait de concevoir des constructions réparables, renouvelables et réversibles sur le long terme, facilitant le réemploi, la réutilisation ou le recyclage, privilégiant les matériaux locaux en circuits courts et basées sur l’économie circulaire et en s’appuyant sur des savoir-faire et un travail humain digne. La multiplication de bâtiments conçus pour atteindre ces objectifs participerait sans doute significativement à un effet de résilience.
Cette notion de démontabilité des constructions n’est pas nouvelle. Faits historiques ou pratiques culturelles à travers le monde, de nombreux exemples démontrent en réalité que la pratique du bâtiment démontable et réutilisable a existé de tout temps.
Pourtant, aujourd’hui, ce domaine reste cantonné à une niche expérimentale très réduite bien qu’une plus grande prise de conscience de la dégradation de l’environnement a permis, ces dernières décennies, de faire émerger et se développer des réflexions, scientifiques, techniques et industrielles sur la démontabilité des constructions.
Changer de paradigme
Matériaux biosourcés, éléments démontables, détails architecturaux low-tech mais soignés
Photo: site Shigeru Ban – Tamedia New office Building- Zurich
Depuis plus de 50 ans, la société de consommation a célébré et consacré le PIB ainsi que tout le système industriel productiviste sur lequel cet indicateur est fondé. Ce contexte économique n’a sans doute pas été un terrain favorable au développement d’une démarche qui viserait à amoindrir l’obsolescence des produits industriels et permettre leurs multiples réutilisations. Ceci est aussi vrai concernant le secteur du bâtiment qui pèse de façon considérable dans l’économie – quand le bâtiment va, tout va! – … et impacte de facto l’environnement. Il en résulte une consommation phénoménale de ressources et une production vertigineuse de déchets. Le bâtiment et les travaux publics représentent, en France, 228 millions de tonnes de déchets chaque année représentant plus de 70 % du total des déchets produits.
Les Villes et métropoles croissent et s’étalent donc inexorablement et voient chaque jours de nouvelles constructions sortir de terre. En France, 61 millions de m² de bâtiments neufs ont été mis en chantier en 2019. Une partie de ces bâtiments neufs remplacent des constructions démolies jugées obsolètes. Pour autant aujourd’hui, en Europe et tout au moins en France, la croissance urbaine apparaît désormais décorrélée de l’évolution démographique et de l’emploi. Les villes s’étalent même lorsque la population décroît et que l’emploi régresse. De façon concomitante, les taux de vacance de logements et locaux d’activé sont souvent élevés.
La fin de l’obsolescence du bâti
La conception de constructions démontables et réversibles peut donc participer à atténuer cette frénésie de développement en permettant, par leur adaptabilité, de retarder l’obsolescence des bâtiments. La démontabilité permet également de reconstruire plus facilement la ville sur la ville, d’intervenir de manière plus agile pour adapter, réparer, modifier. La démontabilité participe du concept de la mine urbaine, du recyclage urbain, de la ville circulaire.