Quels matériaux pour la démontabilité ?

Quels matériaux pour la démontabilité ?

La démontabilité des constructions dépend beaucoup de la nature des matériaux et des produits envisagés ainsi que du choix d’utilisation et de mise en œuvre lors de la conception.
De manière plus large, les choix de matériaux ont des incidences sur un grand nombre de facteurs depuis l’extraction des matières premières, la fabrication, le transport, la mise en œuvre sur le chantier, jusqu’à la durée de vie de l’ouvrage en exploitation et son devenir en fin de vie.

Les deux principales familles d’incidence sont d’ordre environnemental et d’ordre économique.

Il apparaît donc important de bien connaître et maîtriser ces incidences et les facteurs liés pour concevoir la démontabilité comme une réponse qui soit pertinente du point de vue économique – ce à quoi le maître d’ouvrage va s’intéresser en premier lieu- , mais qui soit surtout pertinente du point de vue environnemental.

Cependant, le caractère démontable du bâtiment, induisant une capacité de réemploi d’un matériau ou d’un produit sur plusieurs cycles, peut aussi changer le système de valeur environnemental et économique.

Vu sous cet angle, les matériaux répertoriés comme ayant une forte empreinte environnementale, notamment dans les phases de production et de recyclage, peuvent voir leur incidence environnementale améliorée à long terme à force de réemplois successifs:

  • pas de nouvelle extraction de ressources ni de consommation d’énergie supplémentaire pour la production à chaque nouvel usage,
  • différer la création de déchets et de consommation d’énergie pour le traitement en recyclage ultime .

Par ailleurs, comme la conception pour la démontabilité permet une bonne efficience du réemploi (facilité et faible coût des manœuvres de démontage/remontage, optimisation des aspects logistiques de transport/stockage) elle procurera aussi une incidence économique avantageuse.

Des matériaux comme le béton, les matériaux composites issus de la pétrochimie, les produits verriers ou les métaux et alliages, sont devenus économiquement incontournables en raison de leur bon rapport performances/coût. Mais on sait qu’ils pèsent de façon importante sur l’environnement lorsqu’ils sont employés de façon linéaire, parce qu’ils sont une menace sur le milieu naturel par l’extraction des ressources, par les déchets qu’ils induisent ou par leur recyclage difficiles et qu’ils impliquent d’importantes consommations d’énergie et d’émissions de GES .

Penser l’usage de ces matériaux de façon circulaire pour la démontabilité et le réemploi pourrait donc les rendre plus vertueux surtout pour les ouvrages et composants à long cycle de vie.

Notamment, concernant ces matériaux, un contexte réglementaire de plus en plus coercitif à leur égard doublé d’une conjoncture de raréfaction et de difficultés d’approvisionnement inéluctables vont nécessairement assez vite impacter les productions et risquer de mettre à mal les équilibres économiques des filières. L’intégration de cette classe de matériaux dans un processus de conception pour la démontabilité pourrait donc aider ces filières à opérer une transition progressive dans leur reconversion face à cette décroissance en misant sur la circularité pour les «dernières fournées» de production.

Les matériaux biosourcés végétaux, ont pour principales vertus de permettre la diminution du CO2 de l’atmosphère par absorption au moment de la croissance de la plante par photosynthèse et de constituer du stockage de carbone à long terme dans le cycle de vie du bâtiment.

Leur production en matériaux de construction est relativement peu énergivore. Par leur caractère renouvelable ils sont intrinsèquement vertueux, cependant leur capacité de réemploi est très relative et reste variable selon les matériaux.

Le bois se présente a priori comme le matériau biosourcé de prédilection pour la démontabilité et le réemploi sur plusieurs cycles d’usages pour une grande variété de domaines d’emplois en gros œuvre comme en second œuvre. Le bois se prête facilement aux assemblages mécaniques démontables mais pour garantir sa pérennité, notamment pour plusieurs cycles d’utilisation, la conception doit tenir compte du maintien dans des conditions hygrométriques adaptées.

Pour d’autres matériaux biosourcés tels que la paille et le chanvre, le peu de recul quant à leur caractère réemployable sur le long terme et sur plusieurs cycles d’usages ne permettent pas aujourd’hui d’objectiver leur réelle adéquation en conception démontable. Le projet B.R.I.C . développé par le centre de formation belge EFP a expérimenté des solutions techniques démontables à base de murs composés de caissons préfabriqués en OSB remplis d’ouate de cellulose. Si les réemplois successifs qui se sont déroulés sur 2 cycles en 3 ans ont été satisfaisants, une situation en cycle de vie conventionnel sur 50 ans ou plus reste hypothétique.

Les matières géo-sourcés, telles que la pierre naturelle et la terre crue, ont de grandes vertus environnementales du fait notamment de la faible consommation énergétique nécessaire à leur production en matériaux de construction mais ne sont sans doute pas les matériaux les plus adaptés pour la conception démontable du fait de leur caractéristiques physiques propres (structure, poids, densité, friabilité).

Ceci étant, leur capacité de matériau pour le réemploi ou réutilisation n’est pas négligeable sous réserve qu’ils ne soient pas assemblés, associés ou adjuvantés avec des matériaux ou produits risquant de rendre difficile la déconstruction et de compromettre l’intérêt de leur réemploi, si ce n’est de leur recyclage.

Quant aux membranes souples d’étanchéité à l’air et à l’eau, leur situation est à examiner au cas par cas mais étant, la plupart du temps, soudées in situ et dimensionnées spécifiquement pour des ouvrages particuliers, on peut considérer qu’elles sont difficilement démontables et réemployables, à fortiori si elles ont été exposées à des milieux ayant pu compromettre leurs propriétés ou si la durée de vie préconisée par le fabricant a été dépassée.

Enfin, il existe aujourd’hui sur le marché de plus en plus de produits composés et complexes fabriqués selon des procédés de préfabrication de dernière génération. Ce phénomène encore marginal mais qui prend de l’ampleur est dénommé le procédé «HORS-SITE» prôné par des industriels1 qui entendent révolutionner le domaine de la construction en remettant au goût du jour la standardisation et le modulaire.

La crise de la COVID-19, qui a provoqué une dépression importante du secteur du bâtiment durant et après la période de confinement en 2020, a donné raison à ce procédé qui à été alors mis en lumière par la presse spécialisée 2. Il s’agit d’assemblages en usine d’ouvrages complets ou partie d’ouvrages ( pans de murs extérieurs, pans de toiture, ossatures, modules…) voire de partie entières de bâtiments, composés de plusieurs matériaux préfabriqués. Construits au sec, s’affranchissant des aléas de chantiers, notamment climatiques (et sanitaires), ils sont destinés à être ensuite assemblés en un temps record sur le chantier. Quid de la démontabilité effective de ces systèmes dont se prévalent pourtant les fabricants ?



1 ACIM – Association des Constructions Industrialisées et Modulaires http://www.acim.pro/missions-et-fonctionnement/ (consulté le 15/10/2020)

2 – POUTHIER Adrien- « L’heure du Hors-site » a sonné – Le Moniteur des Travaux Publics- 11 juin 2020

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