Le procédé «hors-site» («off-site building» en anglais) fait intervenir des taches de construction basiques exécutées, comme se targuent les industriels du secteur, par des ouvriers peu qualifiés1 plus facile à trouver2 à l’instar de l’industrie automobile. Par contre le système de production s’appuie sur une R&D très développée, est assisté par des technologiques numériques très avancées, notamment par l’usage du BIM, et prône une grande qualité des réalisation. « L’amélioration de la qualité est un des points clé de la construction Hors-site, tout ce qui est fait en usine, sera mieux fait que ce qui est fait sur le chantier » 3.
La conception pour la démontabilité est certes principalement fondée sur la préfabrication des éléments de construction pour être ensuite assemblés sur le chantier. Aussi, la mise en œuvre d’ouvrages destinés à vivre longtemps, sur plusieurs cycles d’utilisation, implique qualité et haute précision de fabrication qui peuvent certainement être mieux garanties par des procédés en atelier assistés par des outils numériques.
Cependant, la production de bâtiments dans le cadre de l’économie circulaire vise avant tout à adopter une posture écoresponsable, par conséquent, il n’est ni nécessaire, ni souhaitable de verser dans l’industrialisation pour parvenir aux objectifs de préfabrication en vue de la réversibilité et démontabilité des bâtiments.
En effet, le modèle économique de tout procédé industrialisé, comme celui du «hors-site» –promu par les pouvoirs publics– , se base toujours sur une très haute productivité en grande série, pour amortir les investissements colossaux à même de garantir les promesses de qualité et de rapidité. Le corollaire de cela est nécessairement une recherche effrénée de nouveaux marchés de constructions neuves qui ne va pas dans le sens d’une sobriété de l’acte de construire ni d’une réduction de l’étalement urbain. Nous sommes là loin des principes de l’économie circulaire et des circuits courts et ce modèle ne s’appuie manifestement pas sur les savoir-faire et le travail humain digne.
Les chiffres vertigineux de la production de bâtiment neufs chaque année , montrent une frénésie de construction qu’il conviendrait de freiner, ou tout au moins de réorienter dans la manière de la produire car elle a globalement un impact très important sur l’environnement.
Dans le contexte des limites physiques d’un monde fini (finitude des ressources et des énergies fossiles), les procédés constructifs à mettre en œuvre devraient donc préférentiellement tendre vers une sobriété et une simplicité et une longévité en accord avec les principes du «low tech».
Low-tech pour la démontabilité
Il n’existe pas de définition officielle ni universelle du «low-tech». L’expression se traduirait littéralement par basse technologie et le concept sous-tend une utilisation modérée de hautes technologies pour produire plus sobrement, des produits simples et durables.
L’émergence du concept se situe dans les années 70 au sein des milieux alternatifs en réaction aux premières prises de consciences de la finitude du monde naturel et de la mesure que l’action de l’industrialisation de masse produite par l’homme sur l’environnement pourrait conduire rapidement à un effondrement de nos sociétés (Rapport Meadow au Club de Rome -1972, «Small is Beautifull» de E.F. Schumacher -1973).
Dans la dernière décennie, la prise de conscience et la mise en lumière de l’obsolescence délibérément programmée par les industriels dans la fabrication des produits —qui plus est, les produits de hautes technologies—ont conduit à légiférer en la matière. En France notamment, la loi LTECV de 20154 (Transition Énergétique pour la Croissance Verte) introduit dans le Code de la Consommation l’Article L. 213-4-1 qui stipule que:
« -I / L’obsolescence programmée se définit par l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement »
Tout ce contexte qui marque peu à peu les esprits contribue à observer de plus près la notion de «low-tech» dont s’est emparée la société civile et dont certains think tank et intellectuels en font un axe de réflexion, voire un étendard d’une décroissante assumée ( La Fabrique Écologique 5, l’ingénieur centralien Philippe Bihouix6).
Il apparaît que cette volonté de changement systémique est aussi clairement portée par les pouvoirs publics notamment en France. Ainsi, affin de promouvoir la démarche «low tech» sur les territoires, L’ADEME (Agence de la Transition Écologique) a récemment lancé un Appel à Manifestation d’Interêt (AMI)7 dont l’un des objectifs est de «Contribuer à remettre de la lucidité et de redonner du sens à l’innovation et à réinventer des métiers et emplois inspirants compatibles avec la réalité physique d’un monde fini par la transformation des récits collectifs aujourd’hui dominés par le paradigme de l’inflation technologique et de l’accumulation matérielle»
Alors, qu’en est-il dans le domaine du bâtiment? A partir des différents écrits sur ce concept, on pourrait essayer d’en livrer ici une définition pour ce qui concerne la construction:
Les solutions «low-tech» dans le bâtiment seraient des solutions constructives les plus simples possibles ayant peu recours aux hautes technologies, minimisant l’énergie requise à la production et à l’usage, utilisant de façon mesurée et sobre les ressources naturelles en général et proscrivant les matières rares non renouvelables en particulier.
Ce sont aussi des solutions constructives visant à produire des bâtiments durables, réparables, et réutilisables sur le long terme, s’appuyant sur l’économie circulaire sociale et solidaire, privilégiant les circuits courts et s’appuyant sur le travail humain digne en promouvant les savoir-faire et les qualifications.
Cette manière d’appréhender la construction est en totale adéquation avec les principes de la Conception pour la Démontabilité largement développés dans l’article dédié.
1 https://hors-site.com/lhistoire-insolite-dune-reconversion-reussie/ – Virgine Speight – 13 aout 2020- (consulté le 20/10/2020)
2 https://hors-site.com/les-avantages-de-la-construction-hors-site-pour-lenvironnement/ Pascal Chazal 31/07/2019 -(consulté le 20/10/2020)
3 https://hors-site.com/les-avantages-de-la-construction-hors-site-pour-lenvironnement/ Pascal Chazal 31/07/2019 (consulté le 20/10/2020)
4 LOI n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte – article 99
5 https://www.lafabriqueecologique.fr/vers-des-technologies-sobres-et-resilientes-pourquoi-et-comment-developper-linnovation-low-tech/ (consulté le 07/11/2020)
6 BIHOUIX Philippe – « L’âge des low-tech : Vers une civilisation techniquement soutenable » – Editions Seuil 2014
7 AMI « Vers une innovation « low-tech » en Ile-de-France » – Ed. 2020 https://appelsaprojets.ademe.fr/aap/IDFLOWTECH2020-52#resultats ( consulté le 01/11/2020)